À cette époque en Alberta, le profil démographique de la communauté noire canadienne se met à changer. Les gens qui étaient arrivés des États-Unis au début des années 1900 commençaient à rencontrer de nouveaux arrivants américains, souvent des athlètes, et un nombre sans cesse croissant de nouveaux arrivants des Caraïbes.

Dans les années 1950, des personnalités sportives noires commençaient à devenir célèbres. En même temps, certaines professions devenaient accessibles aux groupes anciennement marginalisés. Bien que des pionniers de longue date comme J.D. Edwards continuaient de se sentir bien dans des lieux ruraux comme Amber Valley, d’autres ont décidé de s’établir dans de grands milieux urbains comme Calgary et Edmonton. L’équipe de baseball d’Amber Valley, composée de descendants des premiers pionniers, faisait toujours bonne figure dans les années 1950.

Une grande partie des Caribéens qui ont immigré en Alberta ont occupé des postes d’enseignants, de greffiers de tribunal, de sténographes et d’ouvriers dans le secteur du pétrole. Leur arrivée a permis à la communauté noire de l’Alberta de se diversifier. Grand nombre de ces nouveaux arrivants venaient de pays différents ou avaient des ethnicités différentes, en plus d’avoir des croyances religieuses différentes.

Carte des Caraïbes. Capture d’écran de Google Maps prise par l’équipe d’ECAMP, février 2021.

Le gouvernement du Crédit Social du Premier ministre Manning a tardé à adopter des lois proscrivant la discrimination en Alberta. Pour des motifs religieux et idéologiques, M. Manning s’est opposé à l’interférence avec les droits des propriétaires, des employeurs et des propriétaires fonciers. Les droits individuels soutenus par les militants des droits de la personne entraient souvent en conflit avec les droits des détenteurs de capitaux.

Du milieu à la fin des années 1950 et au début des années 1960, un nombre croissant de travailleurs de couleur et de sympathisants de ces travailleurs ont tenté d’abattre les obstacles qui réservaient les postes de la fonction publique et les emplois professionnels aux Blancs. Vers les années 1960, les Noirs habitant à Edmonton et à Calgary ont commencé à avoir accès à des emplois comme ceux de chauffeurs d’autobus et de pompiers.

Theodore (Ted) King et l’Alberta Association for the Advancement of Colored People

De nombreux soldats canadiens noirs ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’ils ne constituaient pas des bataillons distincts comme lors de la Première Guerre mondiale, leur acceptation au sein des unités considérées comme élitistes, dont l’Aviation royale canadienne et la Marine royale canadienne s’est avérée difficile. Même si l’apport de ces soldats a permis de changer certaines attitudes répandues en matière de ségrégation au Canada, le racisme continuait de sévir.

Parmi ces anciens combattants, notons le caporal Theodore (Ted) King, que l’on aperçoit ici avec sa mère, son père, sa sœur Violet et Della Mayes, sa future épouse. En 1953, Violet King a reçu un diplôme de la faculté de droit de l’Université de l’Alberta, puis en 1954, elle est devenue la première femme noire à être admise au barreau comme avocate au Canada.

Le 21 mars 1946. Image gracieuseté des archives du Glenbow, archives et collections spéciales, Université de Calgary, NA-4987.

Ted King a été porteur de 1946 à 1953, puis il a été comptable et président de l’Alberta Association for the Advancement of Colored People (AAACP) de 1958 à 1961. En 1959, il a intenté des poursuites contre le propriétaire du motel Barclay de Calgary après s’être vu refuser la location d’une chambre en raison de la couleur de sa peau. Même si le propriétaire avait de toute évidence fait preuve de racisme – pour avoir dit à Ted King à maintes reprises qu’il n’hébergeait pas de personnes de couleur – le juge albertain s’est prononcé en faveur de M. Barclay.

Ted King a contesté cette décision auprès de la Cour suprême de l’Alberta, mais en vain. Même s’il a perdu son procès, ce dernier a permis de changer les choses et de mettre en évidence les lacunes juridiques qui permettaient aux propriétaires de lieux d’hébergement de refuser l’accès aux personnes noires.

Alberta Association for the Advancement of Colored People

L’Alberta Association for the Advancement of Colored People (AAACP) a été créée à Calgary dans les années 1950. Ses membres, ses objectifs et ses raisons d’être ressemblaient à ceux de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs. Cette association comportait trois grands volets, soit l’emploi, les pratiques sociales et le logement.

Mojo Williams en entrevue avec Jennifer Kelly, PhD et Donna Coombs-Montrose, octobre 2001

Mojo Williams est né à Calgary en 1946. Les grands-parents de ce Canadien de troisième génération avaient fui le racisme de l’Oklahoma pour se consacrer à l’agriculture au Canada. Son père était porteur de bagages et cireur de chaussures, tandis que sa mère travaillait comme employée de maison chez de riches Blancs.

Grâce à son caractère de battant, Mojo Williams est devenu agent des griefs pour l’Alberta Association for the Advancement of Colored People, rôle qu’il a occupé pendant longtemps à partir de la fin des années 1960. À Calgary, des Noirs lui ont demandé d’intervenir dans des cas de discrimination en matière de logement, de harcèlement au travail et d’obstruction dans les boîtes de nuit, ainsi que de discrimination dont les enfants noirs étaient la cible à l’école. Mojo Williams s’est affairé à faire comprendre aux personnes accusées de racisme que leur réputation souffrirait si elles ne cessaient de faire preuve de discrimination.

Lire la transcription de la vidéo.

Afin de faire évoluer les pratiques sociales à Calgary, l’AAACP collaborait souvent avec des groupes comme le Conseil canadien des Chrétiens et des Juifs.

« Canadian Fellowship Supper –

Plus de 350 personnes de toutes races, couleurs et croyances se sont rassemblées à la Maison d’Israël jeudi soir. De g. à dr. : Ted King, président de l’Alberta Association for the Advancement of Colored People, le maire D.H. Mackay, membre du conseil d’administration de l’Ouest pour le Conseil canadien des Chrétiens et des Juifs, Mme D.M. Kovitz, présidente de la section de Calgary du Conseil national des femmes juives du Canada, et Sarah, jeune fille [inuite] inscrite au cours de service de distribution de repas de Tech. »

Image fournie par Jennifer Kelly, PhD, gracieuseté de Mme Della King, vers les années 1950.

En matière d’emploi, Dick Bellamy, membre de l’AAACP suggère ce qui suit :

« Je tiens à faire remarquer qu’environ 80 pour cent des personnes de couleur de Calgary travaillent comme porteurs, pour le Chemin de fer Canadien Pacifique ou la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. J’ai commencé à travailler pour le Canadien Pacifique en 1927 et j’y suis resté jusqu’en 1932. Les salaires étaient très bas dans le temps. Ce n’était pas facile de faire vivre une famille avec 70 $ par mois et d’envoyer un enfant à l’école. »

Dick Bellamy illustre le type d’occupations auxquels les jeunes étaient encouragés à accéder :

« Depuis que je suis affilié à la NAACP, nous encourageons les jeunes de couleur à apprendre la sténographie dans les écoles de commerce. Et s’ils ont la chance de finir leurs études, on pourrait approcher des hommes d’affaires de la ville pour proposer des membres de la race à des postes convenant à leurs compétences. En ce moment, une de nos jeunes dames travaille pour la Baie d’Hudson et un jeune homme travaille au bureau de poste d’Eaton, tandis que d’autres travaillent ailleurs. »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les personnes qui sont restées en Alberta ont constaté que des occasions d’emploi commençaient à se présenter parce qu’il n’y avait pas suffisamment de « premiers choix » habituels (les hommes blancs physiquement aptes au travail).

Dick Bellamy, porteur et membre de l’AAACP se rappelle :

« Au début de la guerre, les personnes qui sont restées se sont trouvé des emplois dans le domaine de l’aviation, dans les manufactures et dans les usines de produits chimiques. Ces emplois étaient plus payants que les emplois du chemin de fer. De nombreux hommes ont donc abandonné leur emploi sur les chemins de fer, ce qui a eu pour effet de rehausser le niveau de vie des personnes de couleur. Il y avait des familles dont les enfants devaient cesser de fréquenter l’école en 7e ou en 8e année parce que les parents ne pouvaient pas se permettre de les laisser à l’école. »

Matière à réflexion

  • Quelles histoires dois-je croire au sujet du passé? Et qu’est-ce qui fait que j’y crois?
  • Quelles histoires du passé racontons-nous? Quelles histoires sont exclues? Quel type d’histoires devrions-nous raconter?